“La gare du Midi est une maison qui brûle et Rudi Vervoort la regarde brûler”

Interview pour La Libre Belgique.

Selon David Leisterh, chef de groupe MR au Parlement bruxellois, le gouvernement régional refuse d’exercer les compétences de sécurité dont il a hérité.

Et comment réagit Rudi Vervoort ?

À chaque goutte qui tombe, il tire le parapluie fédéral. Je ne suis pas d’accord. Il n’a peut-être pas toutes les compétences, mais lors de la dernière réforme de l’État, Bruxelles en a obtenu une large série en matière de sécurité. Elles ont d’ailleurs été traduites dans la création d’un énième organisme, safe.brussels, chargé de coordonner et d’assurer la sécurité des Bruxellois.

Il y a un patron à Bruxelles et c’est Rudi Vervoort. Mais il refuse d’endosser ce leadership politique en matière de sécurité. On voit le résultat. La gare du Midi, c’est une maison qui brûle depuis des années et que Rudi Vervoort regarde brûler. Si j’étais ministre-Président, ça fait longtemps que j’aurais réuni tout le monde.

Ridouane Chahid (PS) estime que la situation à la gare du Midi est due au désinvestissement du précédent gouvernement MR-N-VA.

En voilà un autre qui tire le parapluie fédéral. Bruxelles a été refinancée plusieurs fois. Où sont partis tous ces budgets ? On peut continuer à envoyer davantage de policiers à la gare du Midi mais si, dès le lendemain, les personnes arrêtées sont relâchées, ça n’aura pas d’impact. Cela vaut pour les délinquants et les sans-papiers. La réponse doit être plus dure.

Pour un sans-papiers qui commet un acte illégal, il doit y avoir une expulsion automatique. Et pour les délinquants, le fédéral plaide depuis longtemps pour des peines moins laxistes. On se retrouve, en Belgique, avec une image de paradis pénal, comparé aux pays voisins.

Que faudrait-il faire à la gare du Midi ?

Pour s’assurer qu’un quartier ne tombe pas en déliquescence, trois ingrédients doivent être appliqués : la répression, la réhabilitation et la reconstruction. Comme l’a fait Malines. Et sur ces trois points, à Bruxelles, le gouvernement s’est planté. Prenons aussi à la gare du Nord, où c’est tout aussi grave, si pas pire. J’y suis allé hier matin à 8 heures. Je tire mon chapeau aux travailleurs qui, tous les jours, descendent de leur train, traversent tunnels et trottoirs pour monter dans une des tours alentour, car c’est extrêmement dangereux.

Une fois que vous avez réprimé, que faites-vous ?

Le second ingrédient, c’est la réhabilitation, l’accompagnement social, comme cela s’est fait à Malines aussi, avec la réorientation vers l’emploi. Là aussi, à Bruxelles, l’échec est considérable. Le dernier angle, c’est la reconstruction. Il faut faire du beau là où c’est moche. La gare du Midi, c’est l’une des plus moches en Europe.

Comment réhabiliter la gare du Midi ? Plusieurs projets existent depuis des années, comme le nouveau siège de la SNCB. Il y a aussi un projet de contrat de rénovation urbaine du gouvernement.

Il faut s’assurer que les procédures urbanistiques soient beaucoup plus rapides et efficaces. À Bruxelles, il faut en moyenne 2 à 3 ans de plus qu’en Flandre et en Wallonie pour avoir un permis. Si vous y ajoutez une certaine paresse politique, certains projets prennent au moins 20 ans.

Propreté : Répression, Réhabilitation et Reconstruction

À Bruxelles, dans le débat actuel sur l’insécurité autour, entre autres, de la Gare du Midi, il faut bien distinguer les réponses à apporter vis-à-vis de :
1. la lutte face aux cartels qui est loin d’être évidente et nécessite une réponse coordonnée de nombreux acteurs locaux, régionaux, fédéraux et mondiaux.
2. l’explosion du nombre de délinquants qui dealent a l’entrée de la gare avec tout son lot d’insécurité que cela provoque (violence, agressions, etc.) et où, là, aucun aveu d’impuissance ne peut être autorisé.
Pour ce second point (lutte contre la délinquance) à Bruxelles le constat est implacable. Sous peine d’être mal vu par une certaine gauche, je le dénonce depuis longtemps : les faits qui sont désormais sous le feu des projecteurs existent de manière structurelle à Bruxelles.
1. Des quartiers entiers sont à la dérive et considérés comme des zones de non-droits (ou de moindre droits);
2. Le délinquance y devient endémique.
3. La classe moyenne déserte un peu plus chaque jour la ville et les classes populaires sont les premières victimes de l’insécurité
4. Une part importante du problème se situe auprès des gares bruxelloises (et ne parlons même pas des stations de métro) qui sont touchées par cette insécurité : c’est l’attractivité de Bruxelles qui paie les pots cassés mais aussi les riverains (dois-je rappeler qu’il y a des écoles et des crèches près de la Gare du Midi) et aussi, tant qu’on y est, les usagés de mobilité douce.
💡SOLUTION – Comme à Malines
Pourtant, l’expérience nous montre que les villes ont une énorme capacité à obtenir des résultats en matière de sécurité en aidant les niveaux de pouvoirs nationaux ou fédéraux : si on règle cela, tout le reste pourra suivre. Bruxelles doit changer de visage grâce à une impressionnante métamorphose.
Si nous sommes d’accord que l’Etat fédéral a le monopole du régalien, ce n’est pas pour autant que les Régions ou les villes n’ont pas un rôle à jouer.
Etudier plusieurs villes nous apprend de bonnes stratégies, comme à New-York ou Glasgow. Mais je vais à nouveau me concentrer sur une ville que j’ai l’habitude de citer en exemple en la matière : Malines.
En quelques années, ils sont parvenus à baisser la criminalité de 45% en appliquant une recette en trois ingrédients (j’y reviens plus tard) :
1️⃣ Répression
2️⃣ Réhabilitation
3️⃣ Reconstruction.
Ci-après, je développe les trois points et vous explique pourquoi, selon moi, à Bruxelles chaque ingrédient est périmé depuis longtemps.
1️⃣ Répression
🔵Proposition du MR :
Bart Somers (Bourgmestre de Malines) l’a dit et redit : lutter contre l’insécurité dans les quartiers difficiles, c’est une base essentielle pour recréer la confiance entre les citoyens, entre les citoyens et les autorités (politique et de sécurité) mais aussi entre les générations.
La sécurité permet également d’assurer un climat propice à l’émancipation et de mettre en œuvre des politiques d’enseignement, de formation, d’intégration et de développement économique d’un quartier. Pour ce faire, nous proposons d’appliquer des recettes répressives similaires :
1. Nous proposons d’abord la création d’une zone de protection régionale, sous la responsabilité du MP, pour les points d’entrée de Bruxelles. C’est l’image de Bruxelles qui est en jeu ici, il ne doit y avoir aucune demi-mesure.
2. On sait qu’on ne peut pas mettre des policiers à chaque coin de rue mais les quartiers ne doivent pas se sentir abandonnés. Dans cette zone, il y faut – comme à Malines – davantage de caméras de surveillance, un éclairage public plus intense et des antennes de la police avec intervention rapide;
3. Il faut permettre aux agents de procéder à des perceptions immédiates pour les consommateurs;
4. Il nous revient que parce que le parquet est débordé, il ne poursuit plus la possession de drogues de quantité même substantielles. Le signal est mauvais et ça doit changer.
5. Le MR plaide pour un tribunal d’application des peines mais en l’attente, je souhaite qu’il y ait des suites aux interventions de la police: convocation des parents comme à Malines, avec un engagement de se former ou de travailler par exemple et des amendes en cas de non-respect.
➡ Toutefois, à Bruxelles jusqu’à aujourd’hui :
A Bruxelles, le Gouvernement bruxellois manifeste plutôt un désintérêt pour les questions de sécurité : qu’on le veuille ou non, si un leader politique n’affiche pas une ambition forte en matière de sécurité pour sa Région, les délinquants s’engouffrent dans la faille.
Je vous cite ainsi quelques exemples :
– Prenez la dégringolade de la situation à la Gare du Nord ou midi : le gouvernement bruxellois en a presque fait des zones Duty free pour la délinquance.
– Quand on a proposé de renforcer le plan canal, certains membres de la majorité ont crié au loup.
– L’appel récent à l’aide des habitants, commerçants et acteurs du quartier nord : quelle réponse efficace ont-ils reçu ?
– Les milices qui ont du se constituer à Clémenceau, qui est venu les aider ?
Si vous êtes Ministre-Président de la Région, et même si toutes les compétences nécessaires ne sont pas dans vos mains, vous vous devez d’assumer et de vous bouger : convoquer des réunions, sortir dans la presse, en faire un sujet d’intérêt national, faire le pied de grue devant le Ministre de l’Intérieur et de la Justice.
Tout ça pour une raison simple : Bruxelles une préoccupation d’intérêt national. La gare du Midi est un exemple criant. Mais Il y a une frange à gauche qui estime que le fait même de parler de sécurité vous rend infréquentable, de droite dure. Il faudrait presque tendre l’autre joue pour être fréquentable.
Nous ne partageons pas cette opinion.
2️⃣Réhabilitation
🔵Proposition :
La sécurité permet également d’assurer un climat propice à l’émancipation et de mettre en œuvre des politiques d’enseignement, de formation, d’intégration et de développement économique d’un quartier. La sécurité d’un quartier permet à la fois d’éviter la fuite de sa classe moyenne mais permet également de créer de la classe moyenne.
Pour ce faire, nous proposons, comme à Malines ;
1. De développer un vrai écosystème émancipateur autour des écoles revalorisées avec des centres de formation, des crèches pour que les parents puissent se former, des accompagnateurs sociaux.
2. Que les autorités publiques ouvrent davantage le dialogue avec les communautés locales, associer les habitants, renforcer la police de proximité, et construire de larges partenariats avec les acteurs locaux. Malines (ou New York) a décidé de faire confiance aux populations et au dialogue tout en menant une politique autoritaire et répressive envers les récalcitrants. Bruxelles peut faire pareil.
➡ A Bruxelles jusqu’à aujourd’hui :
1. Bruxelles fait partie des régions d’Europe au taux de pauvreté les plus élevés. Sans faire de raccourci facile, il n’est pas étonnant que des brigands s’engouffrent dans cette brèche et abusent de la précarité.
2. Au mois de juillet, le taux des chômages des jeunes a encore augmenté.
Bref, quelle politique sociale efficace a porté ses fruits ces 20 dernières années à Bruxelles ?
3️⃣ Reconstruction :
🔵Proposition :
Comment détecte-t-on une zone où règne l’insécurité :
– Saleté dans les rues;
– Peu d’éclairage public;
– Des bâtiments délabrés;
– La prolifération de la drogue, les vols, la délinquance, la violence, etc.
Sur cette base, Bruxelles s’engouffre en plein dans la théorie du carreau cassé : il y a un lien de cause à effet entre le taux de criminalité et le nombre croissant de fenêtres brisées.
Concrètement, plus un lieu est moche, plus il attire les problèmes.
Si on veut offrir aux Bruxellois une sortie de crise :
1. il faut assumer de refaire du beau. Prenez à nouveau la Gare du Midi, cet endroit est moche à mourir, cela ne donne pas une image à la hauteur de notre ville. Ce n’est pas sérieux. Je veux des projets artistiques, de la verdure,… que les usagers puissent s’approprier l’endroit.
2. Ce n’est pas parce qu’un quartier est dit « pauvre » que son infrastructure doit l’être. Au contraire. Vous devez avoir des bancs de qualité, des rues de qualités, des trottoirs de qualité, un quartier verdunisé. Bref, du beau.
➡ A Bruxelles jusqu’à aujourd’hui :
1. On nous promet une rénovation de la Gare du Midi et de ses alentours depuis 20 ans;
2. On nous promet la même chose pour la Gare du Nord.
3. La propreté est un des premiers thèmes relevés par le Bruxellois comme prioritaire pour leur ville.
4. Soyons sérieux, ce troisième ingrédient peut paraître futile mais il est en fait primordial. Et les exemples d’échec à Bruxelles ne manquent pas.

Le château du parc Tournay-Solvay à la croisée de la science, de l’architecture et de la nature

Tout est désormais prêt pour rénover le château en ruines du parc Tournay-Solvay, « le plus beau de Bruxelles ». Il deviendra un centre pour la « crème des physiciens ».
Visite avec le Prix Nobel, François Englert, l’architecte Francis Metzger et la secrétaire d’Etat à la Recherche scientifique, Fadila Laanan.
Le château en ruines du parc de Tournay-Solvay, un parc de 7 hectares situé à l’orée de la forêt de Soignes, à côté de la gare de Boisfort, a enfin trouvé son avenir. Et s’il se concrétise bien, il croisera la science, l’architecture et la nature. Les trois se répondant l’un à l’autre.
François Englert, prix Nobel de physique en 2013 pour sa contribution capitale au mécanisme de Brout-Englert-Higgs, visite le lieu. A 86 ans, il n’hésite pas à emprunter les chemins boueux et glissants et à entrer dans le bâtiment abandonné depuis plus de 40 ans. Il arbore un chapeau rouge acheté en Chine pour l’équivalent d’un euro et une écharpe rouge. Avec sa barbe blanche, il a belle allure et nous parle avec enthousiasme du projet BEL.
Le centre BEL (pour Brout, Englert, Lemaitre, nos trois grands physiciens théoriques) est porté par quatre universités du nord et du sud du pays: ULB-VUB et UCL-KUL. Il veut devenir un centre qui réunira la « crème des physiciens du pays et de l’étranger ». « Une chapelle Reine Elisabeth pour scientifiques » appuie Fadila Laanan qui soutient le projet dans le cadre de ses compétences de secrétaire d’Etat à la Région bruxelloise pour la recherche scientifique.
François Englert refuse quasi toutes les innombrables sollicitations qu’il reçoit de donner son nom à des projets ou sa signature à des manifestes. Mais celui-ci l’enchante. Et toucher à la culture l’enthousiasme. L’an dernier, il a été très touché de recevoir un prix culturel, le prix Carla Fendi en Italie, à Spolleto, en marge du Festival des deux mondes, avec Peter Higgs et Fabiola Gianotti, la directrice du Cern à Genève.
« Il faudrait inscrire dans le bâtiment lui-même, dit-il, dans la pierre, une image du boson de Brout-Englert-Higgs, et une image de l’apport capital de Georges Lemaître dans la compréhension de l’expansion de l’univers. »
Science et libre-arbitre
Ce centre sera géré par une ASBL ou une Fondation indépendante et organisera, précise la note d’intention, un séminaire hebdomadaire en physique des particules, deviendra aussi un lieu permanent de rencontres pour étudiants et chercheurs nationaux et étrangers afin de favoriser leurs interactions et proposera des activités de sensibilisation du grand public à la physique des particules et à la cosmologie.
François Englert aime bien l’idée que ce centre soit en pleine nature, sous la frondaison de grands arbres, au milieu du chant des oiseaux, dans « le plus beau parc de la Région », juge l’architecte Francis Metzger chargé de la rénovation du château. « Les pensées créatives arrivent par les individus », dit-il. Englert propose qu’on étende les débats qui y seront organisés à d’autres disciplines connexes « comme la métaphysique. Qu’est-ce que les scientifiques ont à en dire? Personnellement, j’en suis arrivé à me dire que le libre arbitre n’existe pas. »
Francis Metzger qui regrette que l’architecture ne soit pas assez reconnue comme un art, parle d’un lien profond entre architecture et science: « Toutes les deux ont l’idée d’un projet qui se construit dans la durée et qui dépasse le présent. Toutes les deux se heurtent à la difficulté de se concrétiser dans une société qui cherche trop l’immédiateté. »
François Englert approuve et rappelle qu’entre son idée du mécanisme de Brout-Englert-Higgs, proposé en 1964 et sa vérification expérimentale au Cern à Genève en 2012 qui lui a valu le Prix Nobel, il lui a fallu 38 ans !
L’architecture, la science, la nature et l’art peuvent se retrouver aussi dans une certaine idée de la beauté, de la cohérence et de la simplicité, même si François Englert souligne à quel point il reste difficile de rendre accessible au public la physique actuelle, soulignant l’importance que peut avoir sur ce plan, un centre comme BEL.
Bruxelles aura donc un nouveau château et, de plus, affecté à la science et la réflexion. Après l’accord obtenu de la commission royale des monuments et sites, le permis de bâtir devrait être accordé dans quatre mois. Il y aura 16 mois de chantier.
La Région apporte 3,3 millions pour la Rénovation du château et Fadila Laanan y ajoute 1,23 million pour son aménagement intérieur. En 2014, une résolution avait étéprise par le Sénat à la suite du prix Nobel à François Englert, pour souhaiter la création d’un tel centre. Elle avait alors invité les universités à manifester leur intérêt après que la Région (le ministre-président Rudy Vervoort) ait lancé un appel à projet pour le château Tournay-Solvay.
© Stephanie Van hoof – extrait de l’article – “Un nouveau château à Bruxelles pour enchanter la science” La Libre Belgique – 11 fév. 2019