« Je suis prêt à être impopulaire en portant les réformes nécessaires pour Bruxelles »

Pour l’Echo, je dresse la situation sur Bruxelles et livre plusieurs mesures.

 

Même si le MR est toujours numéro uno à Bruxelles dans les sondages, David Leisterh reste prudent. Oui, il espère obtenir un mandat fort au soir des élections pour pouvoir mener une coalition de centre-droit. Non, les déboires internes de DéFI ne le réjouissent pas, assure-t-il. « Je veux un centre fort pour contourner la gauche ». Si le PS et Ecolo se maintiennent, le combat sera très difficile, car leurs programmes ne correspondent pas à ce que le MR veut faire à Bruxelles.

« Déjà, il va falloir assainir les comptes, car tout a explosé en dix ans, et pas uniquement parce qu’il y a eu des crises. Cela va être très dur, car cela va nécessiter des rationalisations de structures et des mesures d’écononomies. Mais je suis prêt à être impopulaire parce qu’on aura porté les bonnes réformes. Il faut oser dire aux Bruxellois que les années qui viennent ne vont pas etre faciles. »

On glisse que c’est Sven Gatz de l’Open Vld qui se trouvait à la manoeuvre pour le budget. « C’est la question piège à laquelle je dois pouvoir répondre. Un élément, que je ne voudrais pas vivre: ils étaient seuls comme libéraux et c’est un petit parti face à une série de ministres qui ont laissé leur budget déraper. Mais l’erreur peut provenir d’une absence de contrôles budgétaires à intervalles réguliers. Comme au Fédéral, il en faut tous les deux ou trois mois minimum. Je suis sur en tout cas qu’il n’attend qu’une chose, c’est qu’on puisse venir l’aider. »

Outre le budget, la réforme la plus urgente concerne l’emploi et la formation. « Si l’on prend les 253 régions au niveau européen, Bruxelles est 123e en termes de taux d’emploi donc on est loin derrière », indique David Leisterh.

Parmi ses mesures: une prise en charge immédiate des demandeurs d’emplois, des sanctions plus rapides et un plus grand nombre de personnes formées. « Ce nombre diminue d’année en année. Il y a là aussi un choix budgétaire qui risque de ne pas être populaire, c’est de n’investir que dans les formations qui fonctionnent. Aujourd’hui, trop de formations disponibles ne mènent pas à l’emploi.

On veut financer les formations au prorata du taux de remise à l’emploi, en tendant davantage la main aux entreprises comme en France. Je pense aussi que beaucoup de Bruxellois trouveront plus facilement des clients qu’un patron. Il faut faire passer de un à deux ans le temps où l’on peut bénéficier d’allocations de chômage pour lancer son entreprise. »

Droits d’enregistrement, entreprises, sécurité, ….

Dans son programme, le MR prévoit la révision progressive des taux de droits d’enregistrement de 12,5% à 3% pour faciliter l’accès à la propriété. Réaliste? Pas sur le temps d’une mandature, admet David Leisterh qui évoque l’exode grandissant des classes moyennes.

D’où la volonté de s’aligner à terme sur la Flandre en matière de droits d’enregistrement et de les suivre sur la « garantie logement » pour les primo-acquéreurs, ce qui consiste à garantir la partie du prêt bancaire excédant 90% de la valeur du bien. « Si on ne fait pas pareil au minimum là-dessus, on va perdre, j’en suis convaincu. Il faut le voir comme un investissement parce que si les ménages restent, ce sont des ressources fiscales qui ne partent pas. »

David Leisterh ne nie pas l’existence d’une crise du logement. Pour lui, celle-ci est la conséquence de la rareté de l’offre et la priorité est donc d’accélérer la délivrance des permis. « Aujourd’hui, on y perd trois fois: plusieurs milliers d’emplois qui ne sont pas créés en raison de la lenteur des constructions et rénovations. La rénovation du bâti, à l’origine de 60% des émissions de CO2, est trop lente. Et il y a 3.400 unités de logements construites en un an alors qu’il en faudrait 40.000 d’ici 2030« , chiffre David Leisterh qui ne veut pas entendre parler d’encadrement des loyers.

« On a étudié ce qui s’est fait à Paris et à Stockholm. Cela crée un marché parallèle et une diminution drastique du nombre de mises en location. »

On enchaîne sur les entreprises, dont la création baisse à Bruxelles, devenue selon David Leisterh « une terre d’incertitudes pour ceux qui veulent y investir ». D’année en année, trois élements reviennent dans les mémorandums de Beci: la sécurité, la mobilité et le cadre de vie, singulièrement la propreté, rappelle le libéral qui prône là aussi des réformes claires.

Pour la sécurité, il concède que Bruxelles n’a pas toujours la main: oui, le Fédéral doit revoir la norme KUL (qui définit la subvention fédérale pour chaque zone de police) et il faut plus de magistrats. Mais il cible les partis de gauche qui refusent de renforcer l’arsenal pénal. « Les policiers que je rencontre souffrent de la dévalorisation du métier. Tout le secteur est vilipendé dès qu’un agent fait quelque chose de travers. Et surtout dès qu’ils chopent l’auteur d’un délit, ce dernier est de nouveau librement en balade dans la rue le lendemain. Cela ne donne pas envie de s’investir. Lors de l’opération coup de poing à la Gare du midi en septembre dernier, 56 personnes ont été interpellées. Le lendemain, 47 étaient relâchées. »

Tolérance zéro

Alors qu’on a augmenté le nombre d’agents à Bruxelles-Propreté, la lutte contre les incivilités reste médiocre. Il faut renforcer cela, il en va de l’image de Bruxelles« , affirme David Leisterh qui pointe une cause idéologique au manque de sanctions. « À gauche, la mentalité est d’accompagner et de bisounourser la ville. Moi je crois qu’à un moment donné, il faut faire comprendre que non, ce n’est pas normal de jeter son papier par terre. »

L’un de ses slogans est de ramener du beau dans la ville. Bruxelles est-elle moche? « Certains quartiers ressemblent à des porcheries. C’est le cas tout autour de la Gare du Midi. Je ne suis pas fier de cela et je veux que cela change. On fait du porte à porte dans toutes les communes depuis cinq ans et c’est le sujet qui revient au moins seft fois sur dix. »

On l’interroge sur la fracture urbaine, avec des quartiers aux niveaux socio-économiques totalement différents. Échec de la mixité sociale? « Cela traduit un échec beaucoup plus lourd: 37,6% des ménages bruxellois sont en-dessous du seuil de pauvreté. Quatre enfants sur dix grandissent dans la pauvreté. Imaginez un seul instant que le ministre-président ait été MR depuis vingt ans. Ils nous flingueraient: regardez, les libéraux ont laissé les plus démunis être encore plus démunis. Mais c’est eux qui ne sont pas parvenus à créer un système socio-économique performant. »

Travailler avec le privé

Aux yeux de David Leisterh, cet appauvrissement qui va de pair avec une baisse des recettes fiscales explique aussi les difficultés bruxelloises pour réaliser de grands investissements.

« Il y a quatre chantiers gigantesques qu’ils ne savent pas comment payer: le métro 3, la réhabilitation des égouts, les tunnels et la rénovation du bâti. Je crois qu’on ne doit avoir aucun tabou sur le financement de ces chantiers qui sont tous renvoyés au prochain gouvernement. Pour le moment, tout est financé avec de l’argent public, que ce soit des impôts ou des dotations. C’est idéologique. Alors que dans toutes les autres grandes villes, il y a aussi une main qui s’est tendue vers les investisseurs privés. Cela ne veut pas dire qu’on ne devra pas payer, mais cela permet de répartir le risque et la charge dans le temps« , argumente David Leisterh qui cite l’exemple du PPP pour le réaménagement d’une partie du Ring de Gand.

Le libéral se montre sévère vis-à-vis des partis qui plaident pour un refinancement de la Région-Capitale. Même l’augmentation de la part de l’IPP, une question de justice pour Bruxelles selon Sven Gatz, ne semble pas légitime aux yeux de David Leisterh.

« Bruxelles a été refinancée trois fois et il y a toujours des clés de compensation comme la dotation navetteurs. Si je me mets à la place des partis qui seront au Fédéral face à une telle demande alors que Bruxelles a quand même vachement mal géré ces dernières années, ça va être compliqué à vendre! Dans notre programme, on parle plutôt de responsabilisation des Régions parce pour l’instant c’est surtout le niveau fédéral qui profite de la remise à l’emploi. Derrière, il faut que les Régions chargées de l’accompagnement des demandeurs d’emploi retrouvent leurs billes. »

Retrouvez l’interview complète ici.

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